En janvier, j’ai rédigé un article sur les leçons tirées de l’expérience de la Banque du Canada, qui a laissé le taux du financement à un jour trop bas pendant trop longtemps après la crise causée par la pandémie. Voici une des grandes leçons que je retenais : le cadre décisionnel de la Banque aurait dû tenir compte de l’impact d’initiatives ambitieuses et sans précédent en matière de dépenses publiques.
En période de crise, il est important que les institutions budgétaires et monétaires utilisent leurs outils de politique monétaire dans le même dessein. Or, en combinant des dépenses publiques colossales à des taux d’intérêt extrêmement bas, on installait un moteur hors-bord V12 sur un canot! L’économie a été revitalisée, mais elle est aussi devenue bien plus difficile à manœuvrer et à contrôler.
Nous voilà en 2023, et le consommateur se moque de la flambée des taux d’intérêt et de l’inflation. Les dépenses de consommation réelles ont terminé l’an dernier en forte hausse de 2 %, et les données sur les dépenses de la TD prévoient une autre bonne augmentation pour le début de 2023 (graphique 1). La prudence constatée au printemps et à l’été de 2022 face aux prix élevés de l’essence et à l’inflation galopante a disparu depuis longtemps.
Survol
La vigueur soutenue du marché canadien de l’emploi stimule les dépenses de consommation et la confiance. En l’espace d’à peine deux mois, les sociétés canadiennes ont embauché l’équivalent d’une année entière de travailleurs, et ce, dans une économie qui avait dépassé son niveau prépandémie il y a 13 mois. Autrement dit, le marché de l’emploi est déjà mature.
La question est maintenant de savoir combien de temps cette résilience peut durer. Nous avons divisé les emplois en deux catégories : ceux qui ont tendance à être cycliques et ceux qui ne le sont pas (graphique 2). Les secteurs non cycliques comprennent l’administration publique, la santé, l’enseignement, les services publics et l’agriculture. Bien que les emplois cycliques représentent la plus grande partie du marché global, la dernière vague d’embauches provient davantage des secteurs non cycliques. Cela signifie qu’un ralentissement économique pourrait ne pas provoquer une coupe sombre dans le personnel des entreprises non cycliques, qui sont plus susceptibles de ralentir l’embauche que de licencier des travailleurs. De plus, comme nous en avons déjà un aperçu dans les annonces budgétaires des gouvernements, les emplois dans les secteurs de la santé et de l’enseignement sont prioritaires pour les années à venir, ce qui offre un contrepoids aux mises à pied qui pourraient survenir dans les secteurs cycliques de l’économie.
Même au sein des secteurs cycliques, toutefois, le marché de l’emploi peut évoluer différemment dans l’éventualité d’un repli. Des initiatives gouvernementales d’envergure et sans précédent en matière de changements climatiques et d’infrastructures pourraient créer un plancher sous les emplois habituellement caractérisés comme cycliques, comme ceux de la construction et de la fabrication.
1
Par contre, la Banque du Canada doit prendre en compte bien d’autres facteurs lorsqu’elle se penche sur la résilience des consommateurs. Le graphique 3 fait ressortir un autre facteur qui pourrait contribuer à la réaction tardive des ménages à l’inflation et aux taux d’intérêt. Nous y comparons l’augmentation moyenne du coût du service de la dette des ménages canadiens cette année au nouvel argent qu’ils recevront grâce aux subventions pour les services de garde et à plusieurs programmes provinciaux ponctuels d’atténuation de l’inflation. Ces données ne tiennent pas compte des annonces que feront les gouvernements pendant la période de publication de leur budget 2023, qui est en cours.
Comme elles ne sont qu’une moyenne simple par ménage, les données ne font pas forcément de distinction entre les ménages endettés et ceux qui reçoivent les subventions. Mais elles attirent l’attention sur une réalité simple : le resserrement financier de la Banque du Canada est atténué par des programmes gouvernementaux.
Si l’on se concentre uniquement sur le ménage moyen qui utilise des services de garde, on constate qu’il réalise des économies beaucoup plus importantes, soit au-delà de 6 000 $. Si le même ménage a contracté un emprunt hypothécaire à taux variable ou un emprunt dont le renouvellement est imminent, le choc des paiements sera plus facile à absorber.
Une autre statistique frappante ressort du revenu nominal après impôts. Il a bondi de 8,5 % sur 12 mois au dernier trimestre de 2022, bien que cette hausse ait été gonflée par la faiblesse de l’année de référence. Néanmoins, ce chiffre dépasse le taux d’inflation et témoigne à la fois d’un revenu d’emploi élevé et d’une envolée soutenue des transferts gouvernementaux. Ce dernier facteur est digne de mention, car il va à l’encontre de l’objectif de la Banque du Canada, qui est d’atténuer l’effet inflationniste imputable à la vigueur de la demande intérieure.
Si l’on creuse davantage, on constate que le revenu nominal après impôts a augmenté de 45 G$ (taux annuel désaisonnalisé) au quatrième trimestre par rapport au troisième, mais que les transferts gouvernementaux expliquent plus de la moitié de cette hausse. Une situation semblable s’est produite au troisième trimestre, les transferts gouvernementaux comptant pour la poussée des gains du revenu disponible. Cette situation n’est pas le résultat d’une augmentation effrénée des prestations de sécurité sociale ou d’assurance-emploi, mais plutôt d’une sous-composante appelée « autres prestations », qui n’a pas encore renoué avec les tendances d’avant la pandémie (graphique 4). Cette catégorie est un fourre-tout pour les prestations non conformes aux classifications habituelles. Par exemple, le Québec a déposé au quatrième trimestre les chèques ponctuels prévus par son Bouclier anti-inflation. Ces transferts ont profité aux ménages de tous les niveaux de revenu. La Saskatchewan a également versé un paiement unique aux ménages qui ont produit une déclaration de revenus en 2021, peu importe leur niveau de revenu. D’autres provinces ont mis en œuvre des mesures ponctuelles plus ciblées à l’intention des aînés, des locataires et des ménages à faible revenu au second semestre de l’année, tandis que le gouvernement fédéral a doublé le crédit d’impôt pour la TPS pendant six mois et majoré en permanence la SV de 10 % pour les personnes de 75 ans et plus. De nombreuses initiatives partent de bonnes intentions, en particulier celles qui ciblent les populations les plus vulnérables. Toutefois, elles s’appliquent également au cours d’une période de demande de main-d’œuvre historiquement élevée et de croissance rapide des salaires qui risquent de contrecarrer la tentative de la BdC d’atténuer les pressions sur la demande.
Les données sur l’emploi pour le mois de février seront publiées vendredi et elles doivent témoigner d’une diminution de la vigueur passée, sinon la pause conditionnelle de la BdC sera assurément remise en question. À cet égard, nous estimons qu’il est justifié de prendre avec un grain de sel l’énorme gain de 150 000 emplois réalisé en janvier.
Le graphique 5 montre la fourchette mensuelle typique des embauches par secteur à l’intérieur d’un écart-type. En moyenne, les embauches de l’année dernière se situaient dans la même fourchette. Cela n’a pas été le cas en janvier pour deux secteurs : la santé et le commerce. Ce dernier comprend les segments du commerce de détail et du commerce de gros, dont les trois écarts-types positifs sont impressionnants. Ce résultat était d’autant plus étrange que le nombre d’emplois dans le secteur du commerce de détail avait diminué pendant les sept mois précédents. Pourquoi les employeurs changeraient-ils soudainement de cap? Ils ne l’ont probablement pas changé, ou du moins pas autant.
Chaque année, en janvier, après la période des fêtes, des travailleurs de la vente au détail perdent leur emploi saisonnier. Or cette fois-ci, la perte a été la plus petite de l’histoire. Les données de janvier reflètent probablement une certaine distorsion liée à la désaisonnalisation qui a mal tourné durant la pandémie, lorsque le commerce de détail subissait une part disproportionnée des contraintes gouvernementales au cours de l’hiver.
De plus, même si le secteur n’a pas été confronté à de telles contraintes cette fois-ci, les changements de comportement ont peut-être eu des répercussions sur les entreprises, qui ont hésité à embaucher trop de personnel pendant la période des fêtes, les craintes d’une récession ayant atteint leur paroxysme dans un contexte de hausse historique des taux d’intérêt. Il est fort peu probable que la forte demande d’emplois en janvier se maintienne au cours des prochains mois; nous pourrions d’ailleurs assister à un revirement important, lorsque les facteurs saisonniers changeront d’orientation.
Le gain démesuré enregistré dans le secteur de la santé est aussi d’une ampleur sans précédent, mais il compense en totalité la perte subie le mois précédent. La vigueur de ce secteur est plus intuitive en raison des endroits où les pénuries sont déclarées et où les dépenses publiques sont majorées, mais le degré de volatilité d’un mois à l’autre est certainement suspect.
Vous avez peut-être aussi remarqué que 6 des 15 secteurs n’ont pas embauché ou ont même congédié en janvier, phénomène neutralisé par les gros embaucheurs. Nous sommes donc convaincus que les données comportent des anomalies, ce qui signifie qu’il faut user de prudence et ne pas se fier indûment aux fluctuations mensuelles des données. Néanmoins, même si ces données sur l’emploi étaient réduites de moitié (révisées à la baisse ou contrepassées en partie) au cours des prochains mois, elles témoigneraient tout de même d’un marché de l’emploi vigoureux, mais incompatible avec une inflation soutenue de 2 %. Le marché canadien de l’emploi doit évoluer à la vitesse de décrochage sur au moins deux trimestres pour donner confiance, surtout si l’on tient compte des mesures de relance du revenu mentionnées plus haut qui se font toujours sentir.
Dans le contexte de plusieurs facteurs défavorables qui stimulent l’épargne et le revenu, il semble raisonnable que les ménages, toutes catégories confondues, soient devenus quelque peu insensibles au cycle des taux d’intérêt à court terme. Cela ne signifie pas que les entreprises embaucheront sans cesse si elles fonctionnent à plein régime ou que les consommateurs dépenseront sans cesse dans un contexte de taux plus élevés. Par contre, les relations économiques traditionnelles risquent de prendre plus de temps à se concrétiser, voire de s’amenuiser dans l’éventualité d’une variation donnée des taux d’intérêt.
La Banque du Canada a déclaré qu’elle était en mode observation et qu’elle maintenait conditionnellement les taux d’intérêt à 4,50 %. La surveillance des initiatives en matière de dépenses publiques durant la présente période de publication des budgets devrait faire partie des conditions de la Banque, en particulier si elle s’accompagne de la résilience continue du marché de l’emploi, qui pérennise l’inflation. De nombreux gouvernements profitent d’une croissance des revenus et des transferts supérieure aux prévisions initiales, ce qui les pousse à stimuler les dépenses dans des secteurs axés sur l’avenir, tout en desserrant les freins budgétaires qu’ils ont appliqués à leurs initiatives à court terme. Il est tout aussi important aujourd’hui que durant la pandémie d’intégrer les initiatives gouvernementales au cadre des décisions stratégiques de la banque centrale.
La vigueur soutenue du marché canadien de l’emploi stimule les dépenses de consommation et la confiance. En l’espace d’à peine deux mois, les sociétés canadiennes ont embauché l’équivalent d’une année entière de travailleurs, et ce, dans une économie qui avait dépassé son niveau prépandémie il y a 13 mois. Autrement dit, le marché de l’emploi est déjà mature.
La question est maintenant de savoir combien de temps cette résilience peut durer. Nous avons divisé les emplois en deux catégories : ceux qui ont tendance à être cycliques et ceux qui ne le sont pas (graphique 2). Les secteurs non cycliques comprennent l’administration publique, la santé, l’enseignement, les services publics et l’agriculture. Bien que les emplois cycliques représentent la plus grande partie du marché global, la dernière vague d’embauches provient davantage des secteurs non cycliques. Cela signifie qu’un ralentissement économique pourrait ne pas provoquer une coupe sombre dans le personnel des entreprises non cycliques, qui sont plus susceptibles de ralentir l’embauche que de licencier des travailleurs. De plus, comme nous en avons déjà un aperçu dans les annonces budgétaires des gouvernements, les emplois dans les secteurs de la santé et de l’enseignement sont prioritaires pour les années à venir, ce qui offre un contrepoids aux mises à pied qui pourraient survenir dans les secteurs cycliques de l’économie.
Même au sein des secteurs cycliques, toutefois, le marché de l’emploi peut évoluer différemment dans l’éventualité d’un repli. Des initiatives gouvernementales d’envergure et sans précédent en matière de changements climatiques et d’infrastructures pourraient créer un plancher sous les emplois habituellement caractérisés comme cycliques, comme ceux de la construction et de la fabrication.
Par contre, la Banque du Canada doit prendre en compte bien d’autres facteurs lorsqu’elle se penche sur la résilience des consommateurs. Le graphique 3 fait ressortir un autre facteur qui pourrait contribuer à la réaction tardive des ménages à l’inflation et aux taux d’intérêt. Nous y comparons l’augmentation moyenne du coût du service de la dette des ménages canadiens cette année au nouvel argent qu’ils recevront grâce aux subventions pour les services de garde et à plusieurs programmes provinciaux ponctuels d’atténuation de l’inflation. Ces données ne tiennent pas compte des annonces que feront les gouvernements pendant la période de publication de leur budget 2023, qui est en cours.
Comme elles ne sont qu’une moyenne simple par ménage, les données ne font pas forcément de distinction entre les ménages endettés et ceux qui reçoivent les subventions. Mais elles attirent l’attention sur une réalité simple : le resserrement financier de la Banque du Canada est atténué par des programmes gouvernementaux.
Si l’on se concentre uniquement sur le ménage moyen qui utilise des services de garde, on constate qu’il réalise des économies beaucoup plus importantes, soit au-delà de 6 000 $. Si le même ménage a contracté un emprunt hypothécaire à taux variable ou un emprunt dont le renouvellement est imminent, le choc des paiements sera plus facile à absorber.
Si l’on se concentre uniquement sur le ménage moyen qui utilise des services de garde, on constate qu’il réalise des économies beaucoup plus importantes, soit au-delà de 6 000 $. Si le même ménage a contracté un emprunt hypothécaire à taux variable ou un emprunt dont le renouvellement est imminent, le choc des paiements sera plus facile à absorber.
Une autre statistique frappante ressort du revenu nominal après impôts. Il a bondi de 8,5 % sur 12 mois au dernier trimestre de 2022, bien que cette hausse ait été gonflée par la faiblesse de l’année de référence. Néanmoins, ce chiffre dépasse le taux d’inflation et témoigne à la fois d’un revenu d’emploi élevé et d’une envolée soutenue des transferts gouvernementaux. Ce dernier facteur est digne de mention, car il va à l’encontre de l’objectif de la Banque du Canada, qui est d’atténuer l’effet inflationniste imputable à la vigueur de la demande intérieure.
Si l’on creuse davantage, on constate que le revenu nominal après impôts a augmenté de 45 G$ (taux annuel désaisonnalisé) au quatrième trimestre par rapport au troisième, mais que les transferts gouvernementaux expliquent plus de la moitié de cette hausse. Une situation semblable s’est produite au troisième trimestre, les transferts gouvernementaux comptant pour la poussée des gains du revenu disponible. Cette situation n’est pas le résultat d’une augmentation effrénée des prestations de sécurité sociale ou d’assurance-emploi, mais plutôt d’une sous-composante appelée « autres prestations », qui n’a pas encore renoué avec les tendances d’avant la pandémie (graphique 4). Cette catégorie est un fourre-tout pour les prestations non conformes aux classifications habituelles. Par exemple, le Québec a déposé au quatrième trimestre les chèques ponctuels prévus par son Bouclier anti-inflation. Ces transferts ont profité aux ménages de tous les niveaux de revenu. La Saskatchewan a également versé un paiement unique aux ménages qui ont produit une déclaration de revenus en 2021, peu importe leur niveau de revenu. D’autres provinces ont mis en œuvre des mesures ponctuelles plus ciblées à l’intention des aînés, des locataires et des ménages à faible revenu au second semestre de l’année, tandis que le gouvernement fédéral a doublé le crédit d’impôt pour la TPS pendant six mois et majoré en permanence la SV de 10 % pour les personnes de 75 ans et plus. De nombreuses initiatives partent de bonnes intentions, en particulier celles qui ciblent les populations les plus vulnérables. Toutefois, elles s’appliquent également au cours d’une période de demande de main-d’œuvre historiquement élevée et de croissance rapide des salaires qui risquent de contrecarrer la tentative de la BdC d’atténuer les pressions sur la demande. % pour les personnes de 75 ans et plus. De nombreuses initiatives partent de bonnes intentions, en particulier celles qui ciblent les populations les plus vulnérables. Toutefois, elles s’appliquent également au cours d’une période de demande de main-d’œuvre historiquement élevée et de croissance rapide des salaires qui risquent de contrecarrer la tentative de la BdC d’atténuer les pressions sur la demande.
Les données sur l’emploi pour le mois de février seront publiées vendredi et elles doivent témoigner d’une diminution de la vigueur passée, sinon la pause conditionnelle de la BdC sera assurément remise en question. À cet égard, nous estimons qu’il est justifié de prendre avec un grain de sel l’énorme gain de 150 000 emplois réalisé en janvier.
Le graphique 5 montre la fourchette mensuelle typique des embauches par secteur à l’intérieur d’un écart-type. En moyenne, les embauches de l’année dernière se situaient dans la même fourchette. Cela n’a pas été le cas en janvier pour deux secteurs : la santé et le commerce. Ce dernier comprend les segments du commerce de détail et du commerce de gros, dont les trois écarts-types positifs sont impressionnants. Ce résultat était d’autant plus étrange que le nombre d’emplois dans le secteur du commerce de détail avait diminué pendant les sept mois précédents. Pourquoi les employeurs changeraient-ils soudainement de cap? Ils ne l’ont probablement pas changé, ou du moins pas autant.
Chaque année, en janvier, après la période des fêtes, des travailleurs de la vente au détail perdent leur emploi saisonnier. Or cette fois-ci, la perte a été la plus petite de l’histoire. Les données de janvier reflètent probablement une certaine distorsion liée à la désaisonnalisation qui a mal tourné durant la pandémie, lorsque le commerce de détail subissait une part disproportionnée des contraintes gouvernementales au cours de l’hiver.
De plus, même si le secteur n’a pas été confronté à de telles contraintes cette fois-ci, les changements de comportement ont peut-être eu des répercussions sur les entreprises, qui ont hésité à embaucher trop de personnel pendant la période des fêtes, les craintes d’une récession ayant atteint leur paroxysme dans un contexte de hausse historique des taux d’intérêt. Il est fort peu probable que la forte demande d’emplois en janvier se maintienne au cours des prochains mois; nous pourrions d’ailleurs assister à un revirement important, lorsque les facteurs saisonniers changeront d’orientation.
Le gain démesuré enregistré dans le secteur de la santé est aussi d’une ampleur sans précédent, mais il compense en totalité la perte subie le mois précédent. La vigueur de ce secteur est plus intuitive en raison des endroits où les pénuries sont déclarées et où les dépenses publiques sont majorées, mais le degré de volatilité d’un mois à l’autre est certainement suspect.
Vous avez peut-être aussi remarqué que 6 des 15 secteurs n’ont pas embauché ou ont même congédié en janvier, phénomène neutralisé par les gros embaucheurs. Nous sommes donc convaincus que les données comportent des anomalies, ce qui signifie qu’il faut user de prudence et ne pas se fier indûment aux fluctuations mensuelles des données. Néanmoins, même si ces données sur l’emploi étaient réduites de moitié (révisées à la baisse ou contrepassées en partie) au cours des prochains mois, elles témoigneraient tout de même d’un marché de l’emploi vigoureux, mais incompatible avec une inflation soutenue de 2 %. Le marché canadien de l’emploi doit évoluer à la vitesse de décrochage sur au moins deux trimestres pour donner confiance, surtout si l’on tient compte des mesures de relance du revenu mentionnées plus haut qui se font toujours sentir.
Dans le contexte de plusieurs facteurs défavorables qui stimulent l’épargne et le revenu, il semble raisonnable que les ménages, toutes catégories confondues, soient devenus quelque peu insensibles au cycle des taux d’intérêt à court terme. Cela ne signifie pas que les entreprises embaucheront sans cesse si elles fonctionnent à plein régime ou que les consommateurs dépenseront sans cesse dans un contexte de taux plus élevés. Par contre, les relations économiques traditionnelles risquent de prendre plus de temps à se concrétiser, voire de s’amenuiser dans l’éventualité d’une variation donnée des taux d’intérêt.
La Banque du Canada a déclaré qu’elle était en mode observation et qu’elle maintenait conditionnellement les taux d’intérêt à 4,50 %. La surveillance des initiatives en matière de dépenses publiques durant la présente période de publication des budgets devrait faire partie des conditions de la Banque, en particulier si elle s’accompagne de la résilience continue du marché de l’emploi, qui pérennise l’inflation. De nombreux gouvernements profitent d’une croissance des revenus et des transferts supérieure aux prévisions initiales, ce qui les pousse à stimuler les dépenses dans des secteurs axés sur l’avenir, tout en desserrant les freins budgétaires qu’ils ont appliqués à leurs initiatives à court terme. Il est tout aussi important aujourd’hui que durant la pandémie d’intégrer les initiatives gouvernementales au cadre des décisions stratégiques de la banque centrale.